De l’entrisme dans le Libre

Rédigé par P. Foubet 2 commentaires

L'entrisme est un mot qui est né pendant la révolution Russe d’octobre 1917. C’est une stratégie politique révolutionnaire qui consiste à faire entrer de manière concertée des membres d'une organisation militante dans une autre organisation rivale, voire dans l'appareil de l'État bourgeois, comme on le nommait à l’époque. Il est aussi employé depuis lors pour décrire des pratiques du même ordre (infiltration, noyautage, ) de mouvements, mouvances (politiques, religieuses…) au sein d'organisations diverses mais aussi de l'État.

Ce concept a été défini et mis au point par Lev Davidovitch Bronstein, plus connu sous le nom de LéonTrotski , dont la « carrière révolutionnaire » est assez colorée.

Cette pratique, toujours d’actualité, inquiète beaucoup certaines entreprises au point que le ministère de l’intérieur qui propose un kit de sensibilisation des atteintes à la sécurité économique a intégré un chapitre dédié au phénomène.

Les méthodes employées pour faire de l'entrisme se révèlent par leur nature très diverses, donc difficiles à parer. L'entrisme peut être mis en œuvre par une direction au sein d'une même organisation, dans le but d'infléchir le pouvoir d'opposition (opposition des syndicats par exemple).

En France, dans le domaine politique, le terme entrisme est employé pour qualifier une pratique de noyautage de l'OCI (Organisation Communiste Internationaliste ) issue de la scission de 1952. Cette stratégie ne fonctionne pas toujours. Par exemple Lionel Jospin, élève à l'Ecole nationale d'administration (ENA), adhère à l’OCI dans les années 60. Il est, un peu plus tard, chargé par la direction de l’OCI d’infiltrer le PS. Mais il aurait peu à peu renoncé à ses idéaux de jeunesse en préférant faire une carrière au sein du parti socialiste qu’il estimait, à cette époque, plein d’avenir. La suite lui ayant donné raison puisqu’il devient premier ministre en juin 1997. Plusieurs journaux, dont Le Monde, ont produit des articles sur le sujet.

Et en quoi tout ceci concerne-t-il le Logiciel Libre ?

Si l’open source s'attache aux avantages d'une méthode de développement au travers de la réutilisation du code source, le Logiciel Libre, selon Richard Stallman, est un mouvement social qui repose sur les principes de Liberté, Égalité, Fraternité. Et ce mouvement remet en cause, entre autres choses, la légitimité de vendre des appareils en forçant les utilisateurs à adopter des systèmes propriétaires, qui en plus volent leurs données. Cela menace directement les grands acteurs d’Internet et de l’informatique dans leur activités qui représentent des centaines de milliards de chiffre d’affaire !

Depuis que le Libre existe, on a pu observer moult tentatives, plus ou moins réussies, pour détourner des associations de leur objectif ou empêcher des logiciels d’être Libres  ! C’est l’objet de ce petit article qui est là pour rappeler que si le concept du Libre représente pour une majorité de militants une belle aventure qui fait rêver, l’impitoyable dureté des lois du monde économique, tel qu’il est régi actuellement, nous ramène à la dure réalité des faits.

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Intelligence Artificielle sur CUDA ou ROCm ?

Rédigé par Frédéric Dumas Aucun commentaire



Le code ouvert et la licence libre ne font pas tout. À la fin ce qui compte, c'est le plébiscite de la plateforme par les développeurs




Ça se dit, ça se répète, NVIDIA est le fabricant dont tous choisissent les cartes graphiques (GPU) pour effectuer les calculs massivement parallèles indispensables à l'IA. Par exemple pour l'inférence (faire converser un "modèle de langage large"), pour la diffusion stable (générer des images commandées par prompteur), ou plus généralement pour l'apprentissage profond auquel sont exposés les réseaux de neurones. Dans une diatribe restée célèbre (en) il y a plus de 10 ans, Linus Torvalds critiquait acerbement NVIDIA pour son hostilité au logiciel libre. Bien que depuis 2022 NVIDIA ait partiellement ouvert ses pilotes logiciels, le fabricant continue d'interdire l'usage du code de ses bibliothèques CUDA (l'API dédiée au calcul parallèle sur les GPU NVIDIA) sur d'autres produits que les siens, et maintient bien sûr fermés et propriétaires les firmwares de ses produits. Et le succès commercial est du coté de NVIDIA.

Depuis son rachat d'ATI en 2006, AMD est l'un des deux autres fabricants américains de GPU (le troisième est depuis peu Intel lui-même). AMD est privilégié sur Linux, depuis son adoption de l'open source et des licences libres pour ses cartes graphiques. Ses pilotes logiciels et ses bibliothèques ROCm (l'API dédiée au calcul parallèle sur les GPU AMD) sont open source, seuls ses firmwares restent propriétaires. Pour les calculs massivement parallèles en usage professionnel (CAO, calcul scientifique), les GPUs AMD ont une notoriété. Et depuis 2024, Ollama, l'application gestionnaire qui rend si facile l'installation et l'exécution de centaines de variantes des grands modèles LLM open source, prend en charge l'API ROCm (en) d'AMD, après avoir commencé à fonctionner exclusivement avec l'API CUDA de NVIDIA. Alors, bravo AMD et sa priorité au logiciel libre ?

Et bien pas vraiment.

Parce que la notoriété d'AMD pour les applications en Intelligence Artificielle ressemble à celle d'une casserole attachée à la queue d'un chat. Le web bruisse de propos peu flatteurs: documentation défaillante (en)peu de modèles de cartes graphiques compatibles (en), équipe de développement sous-dimensionnée en comparaison des bugs à corriger (en)... En un mot, quand on veut faire fonctionner des modèles d'intelligence artificielle, l'environnement logiciel mis à disposition d'AMD est au mieux en version beta. Le fait qu'il soit open source et libre n'attire pas par magie les contributeurs et ne remplace pas l'investissement encore nécessaire de la part du fabricant.

Car adopter des licences libres pour le logiciel n'immunise pas contre le cruel effet d'externalité de réseau: lorsque la qualité n'est pas là, les utilisateurs sont rares, les contributeurs encore plus, et "la mayonnaise ne prend pas"; lorsque au contraire, une autre proposition technique concurrente est plus mature, même non libre, elle commence à être plébiscitée, son adoption s'en trouve amplifiée. NVIDIA champion du logiciel propriétaire tire aujourd'hui bénéfice de son avance en qualité sur l'API CUDA, tandis qu'AMD champion du logiciel libre, peine à convaincre d'utiliser son API ROCm.

La qualité n'est pas une condition moindre du succès que la liberté du code ouvert.

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